A Sucre, en Bolivie, la rentrée des classes ne ressemble aucunement à toutes celles que j’ai pu faire.Ici pour la rentrée des classes (youpi c’est la rentrée!) on fait la fête pendant 4 jours. Un programme des représentations est installé sur la place de la ville. Le jeudi et vendredi, on surprend quelques petites troupes ici et là en train de jouer, ou peut-être de répéter.

Et le samedi, on en prend plein les yeux. C’est le festivale des fanfares et des talons hauts.
Bon dieu! On est samedi, on va pas rester enfermé dans notre chambre toute la soirée!
Surtout que, depuis deux jours, Pedro et moi cherchons désespérément où sortent à la tombée de la nuit toute ces magnifiques et apparemment inacessibles boliviennes que l’on croise à longueur de journée. Sucre ou la torture visuelle. Après s’être fortement motivé nous sortons enfin (sauf Féfé qui nous rejoindra plus tard), bien décidé à trouver ou pouvait bien donc festoyer ces jolies Sucrettes. Ce soir les rues sont beaucoup plus bondées que les jours précédents. Ca grouille de partout, on retrouve même nos fameux anticuchos d’Arequipa. Ici on les sert dans des assiettes, on en prend chacun une. La mama des Anticuchos a décidé d’inonder mon assiette de sauce piquante: je finis cracheur de feu et aurais pu animer les rues aux côtés des troubadours. On achète des bières pour éteindre l’incendie et on continue notre chemin. Normalement en Bolivie on ne peut pas boire dans la rue, mais les policiers se contentent de froncer les sourcils. Un peu plus loin des boliviennes nous prennent en photo avec elles, car elles nous trouvent mignons (on en profite, ça nous arrivera jamais à Paris).
On approche enfin des défilés…
Et là c’est le coup de massue, nos yeux se noyent dans un océan de couleurs et de beauté. Les danseuses des fanfares ! Voilà ce qui nous laisse plantés sur place jusqu’à prendre racine. Généralement elles se trouvent à l’avant du cortège et font voleter leur jupes, souvent coupées très courtes, au rythme endiablé des cuivres et des percussions. Perchées sur leurs bottes à talons haut elles nous survolent comme des condors, nous attrapent dans leurs serres et nous abandonnent un peu plus loin sur le trottoir. Nous, on tombe amoureux à chaque seconde, leurs paillettes illuminent le sentier et leurs chapeaux à plumes nous chatouillent le visage. Le porte-étendard qui se trouve à la tête de chaque cortège passerait presque inaperçu.
On se rachète des bières pour réydrater nos sens. Après nous être remis de nos émotions, nous nous intéressons enfin aux fanfares. Elles sont composées d’une multitude de cuivres qui à chaque souffle frappent le ciel comme un coup de tonnerre. Des caisses claires et des grosses caisses marquent le pas avec un rythme militaire, c’est l’armée de Napoléon qui envahie Sucre. Au milieu des percus se trouvent les joueurs de cymbales frappées (une cymbale dans chaque main que l’on frappe l’une contre l’autre) qui les font tourner autour de leur poignée entre chaque coup comme de vrais samouraïs. C’est une vague infinie de cortèges qui s’engouffre dans la place, on en voit pas la fin et on a l’impression que cela ne s’arrêtera jamais.
Chaque groupe représente en fait une école, dont le nom et le devise sont inscrits sur l’étendard. Un autre ensemble de danseurs et musiciens arrive, cette fois se sont des hommes qui dansent. Ni jupes ni bottes colorées, dans cette troupe les danseurs sont déguisés en armadillos (sorte de tapir) et bougent en faisant sonner de petits grelots attachés sur leurs pieds. Un peu plus loin se sont des bêtes à corne aux yeux exorbités qui danse au milieu de la foule. Un énorme yeti qui semble pas mal éméché fait des aller retour entre les différents cortèges, et finit pas venir nous aider à terminer nos bières. Parfois ce défilé a des allures de nouvel an chinois.
Pedro ne se sent pas très bien depuis quelques minutes, trop d’émotions pour lui aujourd’hui, et puis finalement son lomito s’est transformé en vomito. Nous ne sommes plus que trois et je sens bien que Féfé et Gabi vont pas tarder à y aller aussi. On va s’asseoir sur les tribunes installées sur la place pour regarder la fin du spectacle, je distingue dans un des cortège suivant un son très claqué qui me rappelle le conservatoire. Ce son est celui d’une timbale ( se prononce Ti-mm-balès), un instrument brésilien formé de deux tambours dont on fait claquer les peaux à l’aide de baguettes. Tout à coup, c’est un homme seul qui passe devant les tribunes bondées de supporters, on se demande tous ce qu’il fait là. Il avance dix mètres puis s’allonge par terre, se relève et recommence son manège. Il porte une banderole avec des inscriptions que je n’arrive pas à distinguer de là où je suis.
Féfé et Gab finissent par y aller, je me retrouve alors seul, mais préfère rester encore un peu pour admirer la fin du show.
Après une ou deux fanfares, je sens la fatigue m’envahir. J’empreinte un chemin plus loin pour rentrer à l’hotel, histoire de croiser quelques danseuses sur mon passage. Croyant retrouver mon lit, je tombe finalement sur un étudiant bolivien fort sympathique qui m’invite à finir la soirée avec lui et ses potes: Mon lit se sera pour plus tard (La suite est une autre histoire)…
Cette nuit là nous fîmes tous de beaux rêve… …Pedro moins.